62e session de la Commission de la condition de la femme

Concertation francophone de haut niveau

AGIR ENSEMBLE POUR L’AUTONOMIISATION ECONOMIQUE DES FEMMES AU SEIN DE L’ESPACE FRANCOPHONE, NOTAMMENT EN MILIEU RURAL  

Allocution Pr Ndioro NDIAYE Coordonnatrice du RF-EFH

C’est avec réel plaisir que je me retrouve aujourd’hui encore devant cette assemblée des Nations Unies, afin de débattre d’une question cruciale, celle de l’autonomisation des femmes et des filles en milieu rural.

Par votre présence ici, vous marquez une fois de plus tout l’intérêt porté  à la cause des femmes et votre engagement pour la mise en œuvre des projets et programmes pour un développement juste et harmonieux dans nos divers pays.

Soyez en toutes et tous remerciés.

L’autonomisation  est une question complexe. Pas de solutions miracles et immédiates.

Ce qui nous amène à dire que la question de l’autonomisation des femmes rurales nécessite un questionnement rigoureux auquel des pistes de solutions durables doivent répondre.

Les facteurs qui retardent l’autonomisation économique des femmes rurales, au sein de l’espace francophone sont nombreux et connus de tous.

En milieu rural, la répartition des tâches entre les hommes et les femmes se fait en fonction de considérations socioculturelles très souvent au détriment des femmes qui  constituent environ 43% de la main-d’œuvre agricole des pays en développement. Les femmes rurales sont le levier du secteur agricole voire des systèmes alimentaires, et pourtant, les agricultrices ne perçoivent que 5% de la totalité des services de vulgarisa­tion agricole. Une étude révèle que les femmes mangent moins bien que les hommes, alors qu’elles préparent 95% des repas des ménages et que sur la totalité des aides accordées à l’agriculture, à la foresterie, et à la pêche, seuls 10% reviennent aux femmes. La gestion de la sécurité alimentaire, du développement,  de la lutte contre la pauvreté, bien qu’elle relève d’une responsabilité partagée entre les hommes et les femmes, continue d’être régie par les hommes. La croyance sociale selon laquelle le travail de la terre incombe aux hommes a conduit à allouer à ces derniers des droits irréversibles sur la terre. Moins de 20% des propriétaires fonciers dans le monde sont des femmes. Ces dernières représentent moins de 5% de tous les propriétaires fonciers agricoles d’Afrique du Nord et d’Asie de l’Ouest, tandis qu’en Afrique sub-saharienne, elles comptent pour 15% en moyenne. Leur vulnérabilité socioéconomique et leur faible niveau d’instruction demeurent les principaux facteurs de désaffection des femmes de  la vie politique, elles se sentent non habilitées à parler de politique et encore moins à s’y engager.

Selon les statistiques mondiales, seulement 39% des filles rurales vont à l’école secondaire,  beaucoup moins que les garçons ruraux (45%), contre 59 % des filles urbaines et 60% des garçons urbains ; alors que chaque année supplémentaire passée sur les bancs de l’école primaire permet aux filles d’augmenter leurs salaires futurs de 10 à 20%. Si des progrès ont été réalisés pour réduire l’écart entre les sexes au niveau de l’inscription à l’école primaire urbaine, les données recueillies dans 42 pays montrent que les filles rurales ont une probabilité deux fois plus importante que les filles urbaines de se trouver déscolarisées.  Le déficit dont sont victimes les femmes rurales au niveau de l’éducation, a des implications à long terme pour le bien-être des familles et pour la réduction de la pauvreté.

Par ailleurs, si d’importantes améliorations ont été constatées au niveau des taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans depuis 1990, les taux ruraux demeurent généralement bien supérieurs aux taux urbains. Les enfants ruraux présentent environ 1,8 fois plus de risques d’être en insuffisance pondérale que les enfants urbains.

Selon une étude plurinationale réalisée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), davantage de femmes rurales sont victimes de violences domestiques, mais peu d’entre elles recherchent des services d’assistance. Moins de 5% de victimes de violences domestiques en milieu rural ont recherché de l’aide, contre environ 16% des femmes en milieu urbain. Les femmes rurales ont une compréhension moindre de la manière dont se transmet le VIH/sida que les femmes urbaines ; les chiffres de l’OMS recueillis dans 25 pays indiquent que les marges de compréhension entre les deux se situent entre 20% et 50%.

Très éloignées des centres de décision politique, les femmes rurales sont souvent plus que quiconque les plus affectées par les effets des choix politiques et économiques.  Politiques, qui au lieu d’améliorer leurs conditions, accentuent  de manière significative leur appauvrissement et  leur marginalisation. Les femmes constituent plus de deux tiers des 796 millions de personnes analphabètes dans le monde et beaucoup d’entre elles vivent dans des régions rurales. Au Cambodge, 48 % des femmes rurales sont analphabètes contre 14 % des hommes ruraux, tandis qu’au Burkina Faso, 78 % des femmes rurales et 63 % des hommes ruraux ne savent ni lire ni écrire.

Pourtant, l’alphabétisation et l’éducation peuvent être des outils puissants pour autonomiser les femmes rurales et lutter contre la pauvreté et la faim. En effet, les femmes éduquées ont plus de chances d’être en bonne santé, de générer des revenus supérieurs et d’avoir un plus grand pouvoir de décision au sein de leur ménage.

Pour une amélioration des conditions de vie et de travail des femmes rurales au sein de l’espace francophone.

Les femmes représentent une part importante de la main d’œuvre agricole, elles jouent un rôle prépondérant dans le développement socio-économique des zones rurales. Leur accès limité à la propriété foncière constitue un obstacle qui réduit leurs chances de promotion économique et sociale.

Les chiffres démontrent que si ces femmes rurales bénéficiaient du même accès aux ressources productives que les hommes, elles pourraient accroître les rendements de leurs exploitations agricoles de 20 à 30%, faisant augmenter de 2,5% à 4% la production agricole totale de ces pays. Cela permettrait de réduire le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde d’une proportion de 12% à 17% environ.   Des recherches indiquent que lorsque les femmes rurales  se voient confier une plus grande part des revenus, la nutrition infantile, la santé et l’éducation s’améliorent. L’éducation les encourage également à se marier plus tard, à avoir moins d’enfants, et les rend moins vulnérables à la violence.

 

  • D’ici 2030, en conformité avec les Objectifs du Développement Durable (ODD5 et 10) nous devons aller à l’échelle et construire de nouveaux paradigmes incluant des indicateurs sexo-spécifiques pouvant contribuer significativement à une participation plus active et décisive de toutes les femmes rurales aux processus de prise de décision et de planification  des programmes de développement rural. Avec à la clé, des outils d’évaluation systématiques pour mesurer les impacts positifs de ces différents programmes sur l’autonomisation des femmes rurales dans l’espace francophone.

 

  • Le défi de l’éducation et de la formation des filles et des femmes rurales devrait être une priorité pour nos Etats au sein de l’espace francophone. L’initiation des filles en milieu rural aux notions de citoyenneté, de droits civiques, pourrait faire émerger une nouvelle génération de femmes rurales conscientes de leurs droits et devoirs. Le coût de l’éducation constituant un obstacle majeur, la construction d’établissements scolaires dans les zones rurales pourrait remédier à l’analphabétisme et encourager l’admission des filles à l’école (Le fait de diminuer la distance pour se rendre à l’école augmente l’inscription et la participation des filles à l’école : Egypte et Indonésie). Par l’éducation toujours nous devons nous engager à sortir les femmes et les filles rurales des situations d’éternelles assistées, en les incitants à l’instruction et à la formation.

 

  • Aujourd’hui, la population mondiale compte un quart de jeunes de 15 à 29 ans (1,8 milliard sur près de 7 milliards d’habitants). On retrouve cette même proportion au sein de l’espace francophone avec 245 millions de jeunes parmi les 965 millions de francophones et dont 70 % vivent dans des pays en développement. Dans les régions francophones en développement, la proportion de jeunes représente aujourd’hui 30 % de la population, et pourrait doubler d’ici à 2050. Cette croissance démographique constitue tant une source d’opportunités que des défis majeurs. D’ici 2030, les pays francophones devraient davantage satisfaire les besoins des populations, femmes comme jeunes, de façon compatible avec les ressources disponibles ; il y a là, un souci d’équilibre, d’égalité et de résorption de gaps dans la distribution des ressources pour  rendre durables les conditions d’un développement global. Avec une éducation et une formation adéquates, les filles en milieu rural devrait contribuer de manière significative à la production avec une amélioration de leurs revenus agricoles, basée sur des exploitations à grande échelle et fortement mécanisées au lieu d’approches plus intensives en main-d’œuvre et basées sur l’agriculture familiale ; et de ce fait les femmes rurales contribueraient aux PIB de nos pays francophones en tant qu’actrices  à part entière du développement.

 

  • L’institution d’un quota de femmes rurales devant siéger dans les conseils d’administration et dans les directions des entreprises francophones, doit être encouragée. Leurs méthodes d’administration se distinguent de celles des hommes et permettent aux entreprises de trouver un nouvel équilibre dans leurs plans stratégiques. Il s’agit, également de s’assurer de la pleine participation des forces de production de richesses  et de veiller à  la réalité de l’équité entre les sexes dans les processus de prise de décision. La prise en compte obligatoire du respect des droits humains, les évaluations périodiques de l’impact de l’égalité femme – homme dans les prises de décision  doivent être des indicateurs permanents, déterminants  dans toute nouvelle disposition, dans les programmes de développement des pays francophones.

 

  • Favoriser l’institutionnalisation d’un patronat féminin, moteur d’un développement nouveau. Les femmes étant des forces vives dans toute la chaine de valeur agricole, et dans tous les secteurs de développement, leur expérience, leur apport intellectuel et technique, dans le management agricole, pourrait booster la production à plus d’un titre (accroissement des rendements agricoles de 20 à 30%).

 

  • Mettre en place des bases de données promouvant la collecte, l’analyse et la diffusion de données qualitatives et quantitatives, fiables et objectives, sur la contribution des femmes rurales au développement durable. Que leur contribution sociale et économique soit comptée et quelle puisse se refléter dans les statiques nationales.

Il faut nécessairement accélérer les progrès en faveur de l’autonomisation économique des femmes rurales. Elles auront ainsi  la possibilité de faire valoir leurs droits aux terres, au leadership, aux opportunités et au choix, et de participer à l’élaboration des lois, politiques et programmes.  Ces éléments stimulent la productivité, les gains et la croissance et améliorent inéluctablement les perspectives en matière de développement pour les générations actuelles et futures. Ces options doivent pousser les gouvernants  à élaborer et à mettre en œuvre des lois et des politiques en faveur de l’égalité des chances (ODD10), des droits et de la participation afin que les femmes rurales puissent bénéficier du commerce et de la finance, vendre leurs biens et contribuer sérieusement à une croissance économique inclusive.

 

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