62e session de la Commission de la condition de la femme

Sommaire

Papier positionnement du Réseau francophone pour l’égalité Femme-Homme (RF-EFH) à la 62ème CSW New York, du 12 au 23 mars 2018

Le RF-EFH se réjouit de la pertinence et de l’actualité du choix thématique de la 62èmesession la Commission de la Condition de la Femme des Nations-Unies : autonomisation des femmes et des filles en milieu rural, ainsi que celui de participation et l’accès des femmes aux médias et aux technologies de l’information et des communications. L’apport du milieu rural et son importance dans la création de ressources pour le développement des pays ne sont plus à démontrer aujourd’hui.

 

Les femmes rurales constituent, il est vrai, une force économique en pleine expansion et contribuent grandement aux revenus familiaux et à la croissance de la communauté de plusieurs manières. Elles sont les actrices de l’essentiel du travail domestique non-rémunéré. En effet, 43% de la main-d’œuvre mondiale dans le secteur agricole, sont des femmes. Elles s’acquittent du même travail que les hommes (élevage, entretien des cultures, cueillette, moisson, transformation et même commercialisation), en plus de leur travail domestique, non rémunéré et invisible. Dans les pays du Sud et en Afrique la main d’œuvre agricole est constituée à 70% par les femmes. Leur participation économique demeure cependant limitée par un faible accès aux ressources de production et générateurs de richesses, par la persistance de pratiques et de normes discriminatoires régissant les relations entre les sexes, entre autres. Autant d’obstacles qui grèvent l’impact des femmes rurales dans le tissu économique et de ce fait doivent être éliminés pour libérer la pleine expression du  potentiel féminin rural.

 

Les obstacles structurels de l’autonomisation des femmes rurales

 

Partout dans le monde, la répartition inéquitable du travail ménager et des soins, le faible pouvoir décisionnel, la mobilité limitée, ainsi que la prévalence de la violence sexuelle et fondée sur le genre, freinent la capacité des femmes de s’épanouir et de contribuer au développement social, politique et économique de leurs communautés.  Cette prédisposition est cependant beaucoup plus pesante en milieu rural.

 

La faiblesse ou l’absence d’éducation et de formation des femmes rurales reste la principale entrave à leur développement. L’analphabétisme concerne plus de 60 % des femmes en milieu rural. Il est pourtant connu que l’instruction constitue un facteur clé du développement social et économique en ce qu’elle offre plus de chance à l’être humain pour s’assurer une vie meilleure et participer pleinement à son propre développement, puis à celui de sa communauté.

 

Des normes socio-culturelles comme les mariages et les grossesses précoces, rapprochées et nombreuses, ainsi que la violence faite aux femmes et le fardeau du travail domestique non rémunéré sont des barrières importantes à l’éducation et à la capacité des filles et des femmes de devenir des citoyennes instruites capables de contribuer au développement et à l’économie de leur pays.

 

En zone rurale, la question de l’Etat Civil et de l’identité juridique est fondamentale pour l’accès des femmes et des filles aux droits et aux programmes de développement. Le certificat de naissance ou un jugement supplétif est indispensable pour établir les actes légaux de mariage, divorce, décès, héritage et de propriété. Les filles et les femmes dépourvus d’état civil ne pourront pas ouvrir un compte en banque, obtenir un prêt à un taux légal, occuper un emploi reconnu, être électrices ou élues.

Quand on ne connait pas l’âge, on ne peut pas lutter contre les mariages précoces, le travail des enfants, la traite et toutes les formes d’exploitation et de violence envers les filles.

Les difficultés d’accès aux établissements scolaires des petites filles et garçons des populations rurales restent une des causes de leur faible taux de scolarisation. Or, le niveau de développement socioéconomique d’un pays est dépendant de l’instruction de sa population. Il ne saurait y avoir de développement durable tant qu’une frange importante de la population active reste en marge du processus de développement, faute de capacités professionnelles.

Agricultrices, elles assurent la sécurité alimentaire de leurs communautés. Face au changement climatique, les inégalités de genre en matière d’accès à la terre, aux ressources productives et financières ne sont que renforcées.  Pourtant les femmes représentent des agentes de changement incontournables dans la lutte aux changements climatiques, et doivent être mises à l’avant dans la conception et le développement de réponses stratégiques aux changements climatiques.

Très peu de femmes rurales ont, en effet, un égal accès que les hommes aux ressources économiques, notamment à la propriété et au contrôle des terres, aux services financiers, aux techniques de production agricole, aux ressources naturelles et aux Technologies de l’Information et de la Communication (TIC).  La fracture numérique de Genre approfondit de plus en plus les disparités classiques femmes-hommes. En outre, il s’y ajoute la différence très ténue entre milieu urbain et milieu rural au fur et à mesure que les besoins et défis d’aménagement du territoire se présentent dans tous nos pays. Malgré ces obstacles qui paraissent insurmontables, l’espoir demeure.

Les organisations de femmes et les mouvements féministes sont au cœur de la lutte pour mettre  fin à toutes les formes de discrimination et de violence à l’égard des femmes et des filles.  Malgré le fait que ces organisations de défense des droits des femmes  sont sous financées et très peu appuyées, particulièrement en milieu rural, elles se mobilisent sans relâche pour promouvoir les droits des femmes, et travailler contre les violences faites aux femmes, par le plaidoyer, la sensibilisation du public et des paliers de gouvernements.

Nous pouvons changer la donne

Conscientes que libérer le potentiel des femmes rurales pourrait ainsi fortement contribuer à mettre fin à la pauvreté et à la faim ainsi qu’à accélérer la réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD), nous réitérons en conséquence aux Etats et aux Gouvernements présents à cette 62ème session de la Commission de la Condition de la Femme, en particulier à ceux de la Francophonie, les recommandations suivantes en vue d’accélérer  l’autonomisation des femmes rurales :

  1. Promouvoir l’instruction et la formation des femmes et faciliter leur accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.
  2. Soutenir et faire appliquer la législation pour lutter contre les mariages et grossesses précoces, et les violences faites aux femmes et aux filles et promouvoir les droits sexuels et reproductifs.
  3. Favoriser l’accès équitable des exploitantes agricoles à la terre et son utilisation productive, grâce à une réforme agraire respectueuse des sexospécificités et une réforme des dispositions législatives discriminatoires en matière de succession.
  4. Accélérer l’accès des femmes rurales aux services financiers en fournissant des capitaux et des produits financier adaptés aux entreprises et exploitations rurales dirigées par des femmes.
  5. Faciliter l’accès des femmes aux intrants, aux équipements, aux services de location, et à la formation technique nécessaires pour un meilleur rendement agricole et renforcer la présence et la contribution féminine sur toute la chaine de valeurs agricoleset en encourageant leur accès aux marchés et aux postes de responsabilité dans les instances agricoles.
  6. Le travail décent doit aussi inclure la protection sociale. Formuler des régimes de sécurité sociale pour les entrepreneurs de l’économie formelle et informelle rurale,  ainsi que leur retraite.
  7. Favoriser la mise en œuvre de politiques et des programmes qui contribuent à à la promotion des droits des femmes, la transformation des rapports de pouvoir entre les femmes et les hommes, et qui encouragent le partage des responsabilités parentales et du travail domestique.
  8. Encourager la ratification et soutenir l’effectivité de l’égalité des droits fondamentaux dans les normes internationales du travail tout spécialement les conventions No. 111 sur la discrimination (emploi et profession) (1958) et N° 141 sur les organisations de travailleurs ruraux (1975), notamment la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective. En particulier, les organisations de productrice, les groupements pour une agriculture contractuelle, les associations de sous-traitants et d’autres groupes informels représentent des véhicules importants pour la constitution d’organisations représentatives des travailleuses ruraux.
  9. Reconnaître la contribution des femmes à l’adaptation et la résilience aux changements climatiques et augmenter leur participation dans les instances décisionnelles, l’élaboration des politiques et la conception des systèmes d’alerte et de réponse aux catastrophes.
  10. Renforcer le financement des organisations de femmes au niveau local, qui lutte contre les violences faites aux femmes, et pour leur autonomisation politique, économique et sociale.

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