Mémorandum: La désinformation basée sur le genre en politique : la démocratie à l’épreuve des infox

L’Alliance pour la Migration, le Leadership et le Développement (AMLD),membre du RF-EFH, en partenariat avec le National Democratic Institute (NDI) sur financement du National Endowment for Democracy (NED), a organisé dans le cadre du programme « Sénégal : Atténuer la désinformation », unatelier de formation sur la lutte contre la désinformation basée sur le genre dans l’espace politique.

C’est à l’issue de ladite rencontre que le présent Mémorandum a été publié en appui au programme.

La désinformation : de quoi parle -on ?

La désinformation consiste à utiliser les médias pour transmettre des informations partiellement ou totalement  fausses dans le but de tromper, de cacher ou de déformer la réalité.

Dans l’espace politique, la désinformation genrée à l’encontre des femmes est un phénomène persistant et préoccupant qui pose des défis significatifs à la promotion de l’égalité des genres et au processus démocratique dans son ensemble.

Eléments caractéristiques à identifier :

▪ L’information est construite par des moyens détournés : réutilisation d’articles de presse, de journaux Tv, …

▪ Utilisation de faux documents, documents falsifiés….

▪ Vrai sujet  au départ mais réinterprétée, sources non citées, contexte détourné.

La diffusion délibérée de fausses informations, de rumeurs et de préjugés ciblant spécifiquement les femmes occupant des postes de pouvoir nuit non seulement à leur crédibilité et à leur légitimité, mais perpétue également les stéréotypes et les préjugés de genre profondément ancrés dans nos sociétés, renforçant ainsi les déséquilibres de pouvoir.

En effet, la désinformation basée sur le genre entrave non seulement les progrès vers l’égalité des genres et les structures sociales inclusives, mais elle cherche également à saper le leadership des femmes et à les dissuader de participer à la vie politique de la cité en déformant les faits, manipulant l’opinion publique et altérant les récits.

Multiplicité des attaques sexistes en ligne !

Internet et les espaces numériques mettant à disposition des réseaux de communication directe sont des outils efficaces que les femmes peuvent utiliser en politique et dans la vie publique pour accroître leur visibilité, diffuser leurs idées et maintenir une interaction suivie avec la population. Néanmoins, ces technologies exposent également de nombreuses femmes et filles dans le monde à diverses formes de violence sexiste.

De même, les attitudes et les préjugés sociétaux à l’égard des genres alimentent également la diffusion de la désinformation sur les plateformes en ligne. Les idées préconçues sur les capacités des femmes et les attentes sociales quant à leur légitimité en politique contribuent à l’acceptation de récits dénigrant leur valeur dans les sphères de pouvoir. De tels biais peuvent être renforcés par les normes culturelles, les systèmes éducatifs et les structures de pouvoirs historiques qui ont traditionnellement marginalisé les femmes à des postes de responsabilité politique.

Ces espaces en ligne fournissent donc un terrain propice à la multiplication du phénomène en raison du manque de mécanismes de vérification des faits, de l’effet de « chambre d’écho » et des biais algorithmiques qui perpétuent les croyances existantes. L’anonymat et la distance offerts par un écran d’ordinateur ou de smartphone incitent les individus à se livrer à des violences en ligne, des menaces, de la diffamation et des rumeurs à l’encontre des femmes politiques.

À ce jour, ces attaques restent le plus souvent impunies en raison de l’absence de réaction et de sanction de la part des entreprises propriétaires de ces plateformes et faute d’un cadre juridique adéquat correctement appliqué.

Les effets néfastes de la désinformation sur les femmes et les systèmes démocratiques

L’objectif premier de la désinformation est de réduire au silence les femmes et de les inciter à quitter la sphère politique et l’espace public en général. Il y a dans la désinformation genrée une réelle stratégie d’invisibilisation et de dépersonnalisation des femmes au sein de l’espace en ligne. De plus, la nature virale des médias sociaux permet aux campagnes de désinformation d’atteindre rapidement un large public, nuisant ainsi à la réputation et à la crédibilité des politiciennes. Les acteur·ices produisant et transmettant de la désinformation genrée jouent sur les capacités émotionnelles de leurs cibles dont une en particulier : la peur. Faire peur aux femmes politiques, notamment avec des messages de menaces, afin qu’elles se retirent elles-mêmes de l’espace public.

La désinformation genrée est également un moyen d’orienter le débat des femmes politiques en réduisant leur espace d’expression. Ces rumeurs et ces fausses informations les obligent à démentir, à dénoncer, à se justifier. Ce temps qu’elles passent à se défendre est du temps en moins pour mettre en avant leurs idées politiques. La désinformation oriente le débat de sorte qu’au lieu de présenter leur programme et leur ligne partisane, elles sont souvent incitées, médiatiquement, à contrecarrer les narratifs de désinformation.

Si les conséquences de la désinformation genrée sur les femmes politiques sont nombreuses, le phénomène a également une influence sur la bonne santé des systèmes démocratiques. En ciblant ainsi les femmes politiques et en les poussant à se retirer de la scène politique, la désinformation genrée limite la participation d’une partie de la population et fragilise les dynamiques de représentation et d’inclusion en politique. Pourtant, le propre d’une démocratie est d’inclure l’intégralité des voix, et surtout de protéger cette diversité en prenant des mesures pour contrer toute forme de potentielle attaque.

La désinformation genrée est ainsi une attaque claire contre les femmes et les systèmes démocratiques, qui doit être prise en compte tant par la classe politique que par les plateformes de médias et réseaux sociaux qui laissent se développer ce phénomène sans prendre de mesures suffisamment fortes pour l’empêcher.

Il est donc important pour tous de réaffirmer avec force que saper l’environnement de travail des femmes en exerçant des violences en ligne pour dissuader les femmes de participer à la vie publique revient à s’attaquer à la démocratie elle-même.

Des conséquences significatives pour nos démocraties

Manipulation de l’opinion publique : Les fake news peuvent être utilisées comme des outils de manipulation pour influencer les opinions et les comportements politiques des gens. Elles peuvent créer une désinformation généralisée, déformer la réalité et manipuler les débats publics, ce qui compromet la prise de décision éclairée des citoyens.

Polarisation politique : Les fake news alimentent souvent les divisions politiques en renforçant les clivages et en favorisant les réactions émotionnelles plutôt que les débats rationnels. Cela peut conduire à une polarisation accrue de la société et à une fragmentation de l’opinion publique, rendant plus difficile la recherche de consensus et de solutions communes.

Érosion de la confiance : Lorsque les fausses informations se propagent, la confiance dans les médias, les institutions politiques et les processus démocratiques peut être érodée. Les citoyens peuvent remettre en question la fiabilité des sources d’information et se méfier des acteurs politiques, ce qui affaiblit le fondement même de la démocratie.

Impact sur les élections : Les fake news peuvent avoir un impact sur les résultats des élections en manipulant les perceptions et les choix des électeurs. Les informations trompeuses peuvent influencer les votes, favoriser la propagation de désinformation sur les candidats et déstabiliser la confiance dans l’intégrité des élections.

Nos pistes de solutions :

  • Mettre l’accent sur la sensibilisation et l’éducation : Il est essentiel de sensibiliser le public aux stratégies de désinformation et aux stéréotypes de genre qui existent. Cela devra commencer au niveau primaire de la chaîne, à savoir les familles. De même, il est essentiel de mettre en place des programmes d’éducation civique et médiatique incluant des modules sur la reconnaissance et la déconstruction des informations trompeuses.
  • Vérifier les faits : Encourager les médias, les plateformes de vérification des faits à intensifier leurs efforts pour traquer et signaler les informations inexactes et trompeuses basées sur le genre. Les citoyens doivent aussi être incités à vérifier les faits avant de partager des informations sensibles.
  • Réguler les réseaux sociaux qui sont le plus fréquentés (Tiktok, Facebook…) : s’inspirer des pays asiatiques, ou des réseaux sociaux comme Tiktok par exemple sont paramétré afin de protéger une certaine tranche d’âges. Ici, nos organes nationaux de régulation de l’audiovisuel dans nos pays sont interpellés. 
  • Élaborer une liste de mots dans nos langues traditionnelles pour les organes qui contrôlent les plateformes en ligne afin que l’algorithme de ces plateformes puisse reconnaitre les mots à connotation violente et ainsi masquer tous les commentaires intégrant ces mots.
  • Collaboration entre les acteurs : les gouvernements, les médias, les organisations de la société civile et les plateformes en ligne doivent collaborer pour élaborer des stratégies de lutte contre la désinformation basée sur le genre. Cela induit le partage d’informations et la coordination des efforts pour identifier et contrer les campagnes de désinformation.
  • Transparence des plateformes en ligne : les grandes plateformes de médias sociaux doivent améliorer la transparence de leurs algorithmes et des politiques de modération. Elles devraient également prendre des mesures plus rigoureuses pour supprimer les contenus sexistes, misogynes et trompeurs.
  • Produire et diffuser des capsules pédagogiques de sensibilisation à la désinformation basée sur le genre et de formation sur le partage de contenu positif (astuces pour signaler, masquer et supprimer les contenus indésirables).
  • Encourager la diversité dans les médias : favoriser une plus grande diversité des médias, tant en termes de propriété que de voix représentées. Cela peut aider à réduire les biais et les préjugés de genre présents dans les médias traditionnels et à offrir une plus grande variété de perspectives.
  • Formation au sein des partis politiques : les Partis politiques doivent intégrer au niveau des programmes de leurs différentes écoles de partis des activités de formation sur la lutte contre la désinformation liée au genre dans l’espace politique. Les activités de formation pourraient ainsi renforcer les capacités des femmes responsables et militantes de partis.
  • Encourager activement les femmes à une plus grande participation à la vie politique: Une meilleure représentation et une large diversité dans les sphères politiques déconstruisent les stéréotypes de genre et réduisent l’impact de la désinformation.
  • Mise en place d’une structure de veille et d’alerte sur la désinformation basée sur le genre : cela permettra d’établir la typologie de la désinformation liée au genre au Sénégal afin de mieux adresser le problème. C’est également un pas nécessaire pour l’accompagnement et le suivi des victimes.                                                                     

                               

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