« Déclaration des naissances prélable indispensable à l’autonomisation des femmes
Nous étions 84, de 23 pays différents et de 4 continents – Afrique, Amérique du Nord, Asie et Europe- à nous interroger sur l’autonomie des droits des femmes, quel que soit leur statut marital, à déclarer la naissance de leurs enfants afin que personne ne soit oublié des Objectifs du Développement Durable d’ici 2030.
La déclaration des naissances constitue un droit fondamental et universel. C’est le premier des droits puisque c’est lui qui permet l’accès aux autres droits humains. L’absence d’état civil constitue un mécanisme absolu d’exclusion sociale. Les enfants non déclarés sont en état de mort civile.
Un nom (une appellation) reconnu et définitif avec date et lieu de naissance, références de filiation (si possible) c’est la condition pour que l’individu soit sujet de droit, c’est-à-dire puisse affirmer ses droits et les exercer, y compris les faire valoir en justice ou dans la société, droits personnels et familiers, sociaux, droits politiques.
Les données démographiques émanant des registres d’état civil sont indispensables administrer un pays et pour élaborer et mettre en œuvre les politiques de développement. Elles sont également une source fondamentale pour les organisations internationales, les institutions financières pour la programmation de leurs activités dans un pays.
Lors de l’atelier du lundi 14 mars au Church Center des Nations Unies, Nadya Kassam de l’UNICEF a rappelé les conséquences néfastes sur les enfants et les adultes de la non-déclaration des naissances ainsi que les barrières spécifiques et les normes sociales patriarcales qui empêchent les femmes de déclarer leurs enfants.
Dior Fall Sow, Magistrate, présidente d’honneur de l’association des juristes Sénégalaises et N’dioro Ndiaye, coordonnatrice du réseau francophone pour l’égalité entre les femmes et les hommes ont insisté sur la redevabilité des Etats par rapport aux conventions internationales et régionales qu’ils ont signées. Elles ont déploré l’absence de dispositions condamnant les discriminations envers les femmes.
Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale française, a rappelé la longue marche des femmes françaises vers une pleine citoyenneté depuis les lois de 1792 instaurant un état civil laïque jusqu’au droit de vote en 1944.
Rachel Gogoua, présidente d’ONEF Côte d’Ivoire a cité René Descartes: « Je pense donc je suis » Elle s’est demandé comment en Afrique et en particulier en Côte d’Ivoire, « Nous pouvons penser alors que nous ne sommes pas ? Comment peut-on être sans exister ? Pour exister, il faut avoir été déclaré à la naissance.
Le constat dans de nombreux pays en Afrique subsaharienne est que Africains ou Africaines que nous sommes, existons physiquement, sans exister légalement. Nous faisons le nombre sans être du nombre. Nous sommes des fantômes, étrangers dans nos propres pays.
Cette réalité qui pose plus globalement la problématique de l’état civil des pays africains est un drame sur lequel il urge que le continent se penche sérieusement surtout pour les femmes. »
Lors de l’atelier du jeudi 17 mars à la mission permanente de l’OIF à New York, Rachel Gogoua a présenté les actions de l’ONEF dans la région de Bondoukou qui a permis l’enregistrement de 8 975 enfants de 2013 à 2015 à l’état civil dont 3 531 dans les délais et 5 444 hors délais grâce à un partenariat entre tous les acteurs œuvrant pour la facilitation de la déclaration des naissances.
Nicole Ameline, en sa qualité d’experte CEDEF/CEDAW, a présenté les récents travaux du Comité concernant les difficultés rencontrées par les femmes en milieu rural pour déclarer leurs enfants. Des bonnes pratiques d’enregistrement des naissances de proximité ont été mises en lumière.
Le paradoxe, et les trafics induits dus à l’établissement d’inscription sur des listes électorales pour des personnes n’ayant pas d’état civil est une des questions fondamentales du Guide pratique pour la consolidation de l’état civil, des listes électorales et de la protection des données personnelles présenté par Patricia Herdtet remis à toutes les personnes présentes.
Lydienne Epoube, présidente du réseau des femmes de l’association des parlementaires francophones, a présenté la résolution adoptée à Berne en juillet 2015, sous l’impulsion de Laurence Dumont, vice-présidente de l’Assemblée nationale française afin de sensibiliser les parlements à cette mission régalienne des Etats et d’organiser des séminaires de formation sur cette question primordiale de droits humains. Un séminaire est prévu au Gabon.
Si l’UNICEF annonce 250 millions d’enfants de moins de 5 ans dépourvus d’état civil, l’association des notaires francophones estime que cela concerne au moins 650 millions d’enfants dans le monde. Pauline Malaplate a rappelé les conséquences néfastes. Pour les enfants : impossibilité de suivre un cursus scolaire, de prouver qu’ils sont mineurs : mariages et grossesses précoces, travail des enfants, Ils sont la proie des trafics d’êtres humains : enfants soldats, prostitués/esclaves sexuels, prélèvement d’organes,… Pour les adultes : impossibilité d’accéder à la citoyenneté et à la propriété, de voyager, d’hériter.
La Banque mondiale a mis à l’ordre du jour la question de l’état civil.
L’association Musonet du Mali agit pour surmonter les obstacles dus à la pauvreté, à l’analphabétisme, à la persistance des coutumes et à l’absence d’Etat. Kelly Fatoumata Djire a présenté le programme de donation des actes de naissance, de cartes d’électrices et d’actes de mariage. Elle a également rappelé l’impossibilité de planifier des stratégies de développement efficaces sans l’existence de registres complets.
Lors des débats, les questions ont porté sur les stratégies pour sensibiliser les chefs locaux à l’importance de la déclaration des naissances et les moyens d’aider les mères célibataires à déclarer leurs enfants.
Parmi les nombreux témoignages,
Depuis la rentrée scolaire 2015-2016 en Côte d’Ivoire, l’obligation scolaire pour tous les enfants facilite la remise d’actes de naissance ;
Difficultés des déclarations dans les camps de réfugiés ou en cas de viols dans les zones de conflits ;
Les enfants des rues à la merci de tous les trafiquants et groupes armés ;
Problème pour faire reconnaitre la validité de l’état civil pour les femmes migrantes ;
Le manque à gagner pour les femmes : absence de mariage légal entraine la répudiation et la non-reconnaissance de la filiation pour l’héritage ;
Dernier exemple de la non-fiabilité de l’état civil : un homme installé aux Etats Unis a déclaré dans son pays d’origine la mort de sa femme, pour faire venir sa seconde épouse !
Proposition émise par Rachel Gogoua et partagée par les personnes présentes : créer une « Alliance francophone pour le droit à une identité »