Rapport Évaluation
Projet : « Briser le silence, lever les tabous, mieux informer sur les violences basées sur le genre en Afrique de l’Ouest » : Sénégal
Un projet de l’Institut Panos Afrique de l’Ouest, avec le financement de l’Union européenne
Le Sénégal, depuis plus de 35 ans, avec l’adoption en 1972 du Code de la famille sous la loi n° 72-61 du 12 juin 1972 s’est inscrit assidument dans la perspective de la répression des violences faites aux femmes et aux filles bien qu’avec des limites et manquements certains, résultats de compromis avec les traditions d’aliénation et de soumission presque absolues de la femme à l’homme et à la communauté,. Le Code de la famille venait ainsi mettre fin à la répudiation : une des formes de violences les plus humiliantes pour la femme mariée, en proclamant l’exigence de la condamnation de cette acte le plus souvent ou presque toujours associé à des formes extrêmes de violence.
Toutefois, il conviendrait de remarquer que le Code de la famille malgré ses avancées, n’a pu ni régler les problèmes de la répudiation et encore moins les violences inouïes qui s’exerçaient sur les femmes et les filles et petites filles avec la fixation de l’âge de mariage à 16 ans et des flous et des dispositions dérogatoires qui font qu’en réalité, les parent(e)s peuvent marier leurs filles presque à tout âge à partir de 9 ans, voire moins.. Les derniers ayant aussi bien en milieu rural, qu’en milieux urbain et périurbain, comme qui dirait un ‘’droit de vie et de mort sur elles’’. Le cas échéant, ils bénéficiaient d’une grande tolérance et/ou compréhension de la part d’une société où la culture avec son socle de base patriarcal est fortement ancrée et structure toutes les relations entre les hommes et les femmes pour bâtir leurs futurs, autrement dites relations sociales de genre.
Cependant malgré les traditions et condamnations sociales, les femmes comme depuis la nuit des temps, n’ont jamais baissé les bras et se sont toujours levées pour faire face aux violences de toutes sortes, qu’elles subissent au quotidien, bien qu’en position de faiblesse sociétale et culturelle. Aussi, les luttes et autres formes d’expressions revendicatives des femmes contre les exactions par traitements dégradants, humiliants et inhumains de la part leurs conjoints, frères, beaux frères, voisinage, mères, belles mères, sœurs et belles sœurs, etc., les viols et autres blessures physiques et morales à n’en plus finir, de continuer pour avoir ‘’droit de cité’’.
Ainsi, les revendications et ripostes des femmes, de plus en plus articulées aux Déclarations, Recommandations, Résolutions, Conventions, Protocoles et lois internes (Mexico75, CEDAW 1979, Nairobi 1985, CDE 1989, CADBE 1990, Protocole de Maputo 2003, le Code Pénal dans ses articles 294 à 305. Parallèlement à la loi et qui réprime pour la première fois le viol en la définissant très nettement et sans ambigüité aucune, la pédophilie, les harcèlements sexuels, l’inceste, les violences physiques, etc.
Et le Sénégal de s’y mettre en élargissant et complétant son arsenal juridique répressif pour faire face aux violences faites aux femmes et aux filles. C’est ainsi qu’est venue n° 99 – 05 du 29 janvier 1999 modifiant le Code pénal sénégalais et qui définit et réprime le viol, l’inceste, la pédophilie, les violences conjugales, les mutilations génitales féminines (MGF), etc. Ceci, jusqu’à adhérer et adopter presque tous les Textes et Conventions Internationales, Protocoles, Déclarations stipulant la répression de toutes les formes de violences et de discriminations contre les femmes.
Cependant faudrait-il le préciser, à part quelques Conventions du BIT telles la C189 et la Recommandation 201 sur les travailleuses domestiques et le travail décent, la C183 sur la Protection de la Maternité, mais également sur les travailleurs/ses à responsabilité familiale et également toutes les Conventions sur l’agriculture qui sont tous des textes sérieux quand à la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles relativement aux pires formes de travail des enfants.
Dans l’arsenal juridique interne du Sénégal, on peut rappeler entre autres, la loi 2005-06 du 10 mai 2005 relative à la lutte contre la traite des personnes et la protection des victimes, harmonisant la législation nationale du pays avec le Texte de la CEDEAO, la loi 2005-18 du 05 aout 2005 relative à la santé de la reproduction, mais aussi et surtout, le décret n°2006-1331 du 25 novembre 2006 consacrant à la femme salariée travailleuse du public comme du privé naguère considérée comme mineure, la possibilité de prendre en charge médicalement son conjoint et ses enfants. Il conviendrait d’y ajouter la loi 2008-01 du 08 janvier 2008 qui octroie une autonomie fiscale complète à l’épouse, suite à une pression insistante des femmes travailleuses syndiquées (sur leurs syndicats (UDEN notamment) afin que ces derniers engagent la lutte jusqu’à terme ; ce qui fût fait.
fin sont venus compléter et confirmer tout cela, la loi du 28 mai 2010 consacrant l’égalité absolue hommes/femmes dans les instances totalement ou partiellement électives et son décret d’application n° 2011-819 du 16 juin 2011 combinés au fait que la nouvelle constitution du Sénégal, dès son Préambule reconnait clairement que tous les Textes auxquels le Sénégal a adhéré ont force de Loi Constitutionnelle et sont supérieurs aux lois nationales, la CEDAW/CEDEF, CDE, CADBE et Protocole de Maputo notamment.
Ainsi, le Sénégal s’est doté d’un arsenal et d’un environnement juridiques favorisés par certaines pratiques du pays mais également et plus encore, par le mouvement revendicatif des femmes des années 90 que l’PANOS, l’APORFES, le CLVF, la RADDHO, le COSEF, l’AJS, le RSJ et Article19 ont perpétué, encore que le COSEF semble marquer le pas ces dernières années (?).
Néanmoins faudrait-il remarque que malgré ces avancées notoires en matière de lois et de protection de toutes les tranches d’âges, les violences faites aux femmes et aux filles continuent de perturber la société sénégalaise dans tous ses compartiments et cercles.
Le choix en 2013 du Président du Sénégal Macky Sall par le Secrétaire Général des Nations unies Ban Ki-Moon pour le Parrainage du Programme de la Communauté Internationale sur la Lutte contre les Violences faites aux Femmes et aux Filles, n’y a pas beaucoup apporté, surtout du fait d’un manque notable de volonté politique réelle traduite en actes concrets et mesures pratiques. Cependant, le Président Macky Sall s’est engagé devant la Communauté Internationale à être un ‘’He For She’’ pour la défense et la mise en œuvre résolue et ferme des droits des femmes.
Ainsi, pour ne pas remonter très loin, de 1998 à 2014 les violences de toutes natures contre les femmes et les filles ont continué de croitre chaque année. De 1998 à 2016 qui ne semble rien augurer de bon sur cette problématique et plus dramatiquement encore les années 2007 et 2008 ont été particulièrement rudes au Sénégal pour les femmes et les filles du point de vue du respect et de la protection de leurs droits reconnus et ratifiés par l’Etat tant au travers des Conventions, Traités et Déclarations approuvés au niveau International et Africain, que de la législation nationale avec tout un arsenal juridique marquant une rupture inauguré par le Code de la Famille, consolidé par la loi de Janvier 1999 sur les Violences faites aux femmes et aux filles, la pédophilie, le viol, les violences domestiques, etc.
L’ONG GRAVE (Groupe de Recherche et d’Action contre les Violences Faites aux Enfants) a mené entre Septembre 2006 et Septembre 2007 par une revue de la presse, une étude d’où il ressortait que 400 cas de viols (soit plus d’un par jour) ont été enregistrés en une année au Sénégal.
AJS a ressorti d’une étude que rien que les viols ont fait 3600 victime en 2015 et qu’en 2016 nous en sommes déjà entre janvier et Juin à 1776 cas avec une pointe dans le département de Pikine ou l’AJS constate enregistrer chaque jour 3 à 4 cas. Notons que le viol et les MGF constituent les pires formes de violences, aussi le viol devrait être criminalisé dans les meilleurs délais.