« LA PROTECTION SOCIALE ET L’AUTONOMISATION DES FEMMES ET DES FILLES QUELS ENJEUX ET DEFIS DANS L’ESPACE FRANCOPHONE : ROLES DE LA SOCIETE CIVILE FRANCOPHONE ».
La session annuelle de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies (CSW) s’ouvre cette année sous le thème « les systèmes de protection sociale, l’accès aux services publics et les infrastructures durables au service de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes et des filles ». Il serait difficile de trouver thème plus pertinent et surtout plus actuel.
Je salue la justesse de ce thème qui va cristalliser nos attentions pour qu’ensemble nous convergions vers un monde d’équité sociale et d’égalité effective des sexes.
Notre rencontre survient à une période charnière marquée par une grande espérance certes mais aussi par la persistance de facteurs d’inégalités entre les sexes.
Fidèle à sa mission de «donner corps à une solidarité active entre les 88 États et gouvernements qui la composent», l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) a fait de la lutte pour l’égalité femme-homme une de ses priorités avec l’adoption de la stratégie EFH de l’OIF à Erevan lors du XVII Sommet de la Francophonie.
C’est le même engagement qui motive le Réseau Francophone pour l’Egalité Femme-Homme (RF-EFH) dont la raison d’être, selon sa charte est d’ « œuvrer pour le développement de l’Espace Communautaire Francophone en participant de façon active, effective et décisive à l’inclusion de l’égalité Femme Homme dans les politiques de développement».
Ce Réseau est la parfaite illustration des actions que l’OIF mène pour l’égalité Femme-Homme depuis la Conférence du Luxembourg, après Pékin ; des actions arrimées à une logique internationale débordant largement le cadre de la Francophonie pour épouser les contours d’abord du Plan d’actions de Beijing, ensuite des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et enfin se positionner pour l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD).
C’est parce que nous avons très tôt saisi toute la transversalité, j’allais dire la globalité de la question de l’Egalité Femme Homme que nous l’avons mise en perspective avec des thématiques connexes telles que la Protection sociale et l’autonomisation des Femmes et des filles et plus globalement avec des problématiques de gouvernance et de développement durable.
Cette année l’accent est mis sur l’égalité femme homme pour faire valoir les impacts de l’égalité femme-homme sur les programmes de protection sociale, d’investissements structurels, sur le développement durable des pays francophones.
Aujourd’hui, nous sommes 67 membres accrédités de la Société civile Francophone auprès du Conseil permanent de la Francophonie. Nous faisons partie de la conférence des organisations internationales non gouvernementales (OING) et nous devons nous placer aux avant-postes de la réflexion et de l’action des pays francophones. Nous sommes en effet, d’importants relais du plaidoyer de l’OIF sur la scène internationale et nationale, et devons participer à la mise en œuvre de ses programmes sur le terrain.
- Enjeux et défis de la protection sociale et l’autonomisation des femmes et des filles dans l’espace francophone
Promouvoir l’autonomisation économique des femmes c’est avant tout promouvoir une participation pleine et entière de celles-ci au devenir de leur société tout en favoriser le développement durable. Parmi les problématiques indissociables de celle-ci, il y a d’abord la lutte contre la pauvreté ; parce qu’aujourd’hui encore, la pauvreté continue de frapper durement les femmes, plus que les hommes, que ça soit dans les pays du Nord comme dans ceux du Sud, notamment en raison des inégalités sociales et du manque d’opportunités qui les confinent à la précarité. La question de l’autonomisation économique des femmes et des jeunes filles nous ramène tout naturellement à la question de la protection sociale, à la question plus large de l’atteinte de l’égalité des genres, car pour être égaux, les hommes et les femmes doivent être en mesure de jouir des mêmes opportunités économiques.
La protection sociale est un outil essentiel dans la lutte contre la précarité dans les pays les moins développés mais aussi dans les pays les plus développés, dans la recherche d’une plus grande justice sociale, d’un développement économique plus juste et d’une inclusion des populations les plus marginalisées.
Rappelons que la priorité actuelle est l’universalisation et l’extension d’une base élémentaire de revenus et un accès aux soins pour tous. Ce système, reposant sur les principes de droit humain, la réduction de la pauvreté, la cohésion sociale et l’accroissement de la productivité, doit garantir aux femmes et aux filles un égal accès aux services sociaux, aux infrastructures de base. Pour être efficaces, ces socles de protection sociale doivent pouvoir reposer sur des garanties juridiques et de protection des droits de l’homme.
Le RF-EFH a identifié plusieurs mécanismes indissociables à l’autonomisation économique et à la protection sociale des femmes et des filles. Ainsi, il s’est posé la question de savoir dans les contextes où des programmes de protection sociale existent déjà: quels sont les mécanismes et les ajustements requis pour qu’ils puissent répondre efficacement et rapidement à la situation des femmes et des filles dans l’espace francophone.
Ces mécanismes sont entre autres
- Un accès plus facile et global au système de santé pour toutes les catégories de femmes (couverture maladie, gratuité de certains soins médicaux ou de certaines opérations chirurgicales …)
- Un accès à l’emploi et à des emplois de meilleure qualité, payés de manière équitable et constante et qui se trouvent dans le secteur formel;
- Un accroissement de l’entreprenariat des femmes en créant un climat d’affaires propice et en dotant les femmes de capacités de gestion et de management, etc.
- Un accès plus facile au crédit et aux institutions financières pour développer leurs activités
- Etablir des politiques de discrimination positive à l’égard des femmes et des filles à l’accès à l’emploi, à l’éducation et à la formation professionnelle.
- Etablir des systèmes de sécurité ciblés, propres à chaque entité de la population à l’instar de la Suisse.
- Avoir une politique de territorialisation afin de produire les biens et services qui répondent aux besoins et aux envies des populations de l’entité ou de la région concernée;
- Assurer une forme de distribution des revenus qui permettent aux individus d’acquérir des biens et des services ;
Dans cette optique, le RF-EFH en collaboration avec l’OIF appel à la mobilisation de la société civile autour des questions et solutions qui encouragent les Etats membres de la francophonie à présenter une résolution permettant de garantir les socles de protection sociale, mais également de l’autonomisation au plus grand nombre de femmes et de filles.
L’importance est d’offrir aux populations de l’espace francophone les garanties élémentaires de sécurité sociale, reconnues par les Nations Unies comme l’un des outils essentiels dans l’éradication de la pauvreté notamment celle des femmes et des filles.
Cependant, malgré des progrès significatifs réalisés grâce à la mobilisation d’acteurs internationaux comme l’OIF, l’ONU FEMME y compris l’Organisation internationale du Travail qui alertait déjà dans sa résolution 202 en 2012 (II-SOCLES NATIONAUX DE PROTECTION SOCIALE) : « que les avancées nationales et institutionnelles en matière de protection sociale sont encore insuffisantes, à cause d’une coordination politique lacunaire, de capacités institutionnelles trop faibles ou encore de coupes budgétaires retardant tout progrès, 71% de la population mondiale n’a encore aujourd’hui aucun accès, ou très partiel, à un système de protection sociale complet ».
En francophonie aussi, on note qu’effectivement les systèmes de protection sociale comportent certains manquements :
Sur le plan sanitaire, même si les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes, elles sont discriminées à chaque étape de leur vie en ce qui concerne leur santé, leur éducation…. Cela est dû notamment, aux difficultés d’accès aux soins de santé sexuelle et reproductive mais également, à leur vulnérabilité accrue face à certaines maladies dangereuses (cancer, accidents de travail…) ou déficiences nutritionnelles particulières. Il faut aussi noter que le système de protection sociale qu’offre par exemple la « Couverture Maladie Universelle » ne couvre pas toutes les femmes mais uniquement celles d’une certaine tranche d’âge. (De 0 à 5 ans et plus de 65 ans)
La répartition inégale, non territorialisée et non axée sur le genre, des systèmes de santé de certains pays constitue une faille de la protection sociale pour les femmes et les filles en francophonie. Et lorsque l’offre existe, elle est dérisoire par rapport au nombre de femmes évoluant dans le non formel. Le fond du problème des politiques sociales pour les femmes et les filles dans l’espace francophone reste entre autres :
- le confinement des offres d’emplois dans un nombre limité de secteurs
- le nombre très réduit d’emplois, ou alors des emplois peu intéressants
- leur plus vulnérabilité par rapport aux hommes au moment des crises économiques
- encore, au 21ème siècle : une difficulté à trouver un emploi décent, même quand elles possèdent les diplômes qu’il faut.
Etc etc…
A l’heure où nous parlons, aucun pays au monde, aussi développé soit-il, ne dispose à ce jour d’une organisation institutionnelle de la société permettant aux hommes et aux femmes de participer sur un pied d’égalité à la vie civique, économique, sociale, culturelle ou politique. Il nous incombe à nous, membre à part entière de la société civile francophone, de tenir un rôle de sentinelle, d’observateur, tout en usant de nos moyens de pression sur les Etats, les gouvernements et les institutions internationales pour les exhorter à combler les failles et les manquements pour l’accès des femmes à une protection sociale et à une autonomisation leur permettant de lutter contre les inégalités entre les sexes et réduire la pauvreté de façon durable.
- Rôles de la société civile francophone pour faire valoir les impacts de l’égalité femme-homme sur les programmes de protection sociale, d’investissements structurels, sur le développement durable des pays francophones
La société civile est toujours comprise comme le domaine intermédiaire entre les institutions gouvernementales et les populations. C’est en tenant compte de ce rôle de médiateur, que dans le cadre de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, cette concertation de la société civile est l’occasion parfaite pour rappeler aux représentants des Etats et gouvernements membres de la Francophonie de l’importance et des actions de la société civile.
Les rôles majeurs de la société civile demeurent la communication avec les populations, la vulgarisation des engagements pris par les Etats, le plaidoyer et la contribution au suivi et évaluation des programmes nationaux.
Pour faire valoir les impacts de l’égalité femme-homme sur les programmes de protection sociale, d’investissements structurels, sur le développement durable des pays francophones, la société civile devra participer à l’explication, à la justification, et démontrer l’utilité de l’égalité femme homme dans les programmes de protection sociale et leurs relations avec le développement durable pour qu’il soit compris et accepté par le plus grand nombre, auprès, de l’opinion publique, des ONG, ou encore des médias etc.
ACTIONS A AMPLIFIER PAR LA SOCIETE CIVILE DES ETATS ET DES GOUVERNEMENTS MEMBRES DE LA FRANCOPHONIE :
- L’évaluation des programmes et politiques de protection sociale des pays de l’espace de la Francophonie (politiques et programmes, effectivité, appropriation, impacts sur les lois, vulgarisation des mécanismes de suivi…)
- La tenue d’une rencontre entre institutions gouvernementales et la société civile pour améliorer les lacunes de certains domaines de la protection sociale;
- S’assurer de l’existence et l’effectivité d’une politique de protection sociale qui prend en compte l’égalité femme homme;
- S’assurer de la mise en place d’une commission chargée de conseiller les gouvernements et états membres au sein de l’OIF, sur le suivi évaluation de la mise en œuvre des politique et programmes de protection sociale.