Panel du RF-EFH

FEMMES, PAIX ET SÉCURITÉ EN FRANCOPHONIE: QUEL LIEN AVEC LES ODD?

Mme NDIORO NDIAYE Coordonnatrice du RF-EFH et présidente de Alliance pour la Migration le Leadership et le Développement (AMLD, Sénégal) est intervenue sur :

Femmes, Paix et Sécurité, les défis qui affectent l’espace francophone. Quelles sont les priorités pour le RF-EFH? 

Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 4213ème séance, le 31 octobre 2000, la Résolution 1325 souligne l’importance d’une pleine et active participation  des femmes, dans des conditions d’égalité avec les hommes, à la prévention et au règlement des conflits ainsi qu’à l’édification et au maintien de la paix. La Résolution 1325 (2000) du Conseil de Sécurité des Nations Unies reste, sans aucun doute, l’une des initiatives ayant marqué de son empreinte l’histoire de la prise en charge des conditions de vie des femmes et des filles dans les conflits armés ainsi que celle de leur protection; elle met aussi en exergue leur rôle stratégique dans l’ensemble des processus de maintien de la paix et de reconstruction nationale. Cela signifie que, si la lettre et le fond de cette Résolution sont compris par les différents acteurs concernés, les besoins essentiels des femmes et des filles sont pris en compte en période de conflit et d’après conflit. Elle est aussi à étudier et à analyser en relation avec d’autres résolutions, toutes aussi importantes qu’elle car elles adressent les besoins de protection des groupes vulnérables (femmes, filles et enfants en particulier). Il s’agit des Résolutions 1314 (2000), 1379 (2001), 1460 (2003), 61/143 (2007), 1820 (2008), 1882 (2009), 1888 (2009), 1889 (2009), 1960 (2010), 2106 (2013) et 2122 (2013).

Dans l’espace francophone, de nombreuses crises ont éclaté cette dernière décennie, mettant en péril le devenir de millions de personnes dont les femmes et les enfants, victimes principales des conflits armés.

 Nous sommes réunis ici,   lors de cette 60 ème session de la commission sur le statut de la femme pour faire le point sur la lancinante problématique de la mise en œuvre des plans d’actions  nationaux et régionaux tels que proposés par le Conseil de sécurité, en 2004.

Plus de dix ans après l’injonction du Conseil de sécurité, où en sont les Etats membres et observateurs de l’Organisation de la Francophonie (OIF) dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs plans d’actions respectifs? A quel niveau d’exécution se situent-ils? Quels obstacles rencontrent-ils dans la mise en œuvre de ces plans? Quelles perspectives politiques s’offrent à la Francophonie, en termes de plaidoyer en vue d’une large application des mesures proposées ? La communication apportera des pistes de solutions à cette problématique de la mise en œuvre effective de la Résolution 1235 dans l’espace francophone aussi bien auprès des décideurs publics nationaux comme internationaux ainsi qu’auprès des organisations de la société civile francophone.

Mme CARLA SANDOVAL  chargée de mission du Monde selon les femmes, Belgique est intervenue sur :

De quel « empowerment » ou autonomisation des femmes et des filles parle-t-on ? Une analyse critique

Les femmes, on est la moitié de l’humanité. Néanmoins, aussi bien dans le Nord comme dans le Sud, les femmes continuent à être dominées/subordonnées, exploitées et violentées. Quand on parle des processus d’empowerment ou d’autonomisation des femmes et des filles, il faut les analyser dans les cadres contextuelles dans lesquels ils sont mis en place et le faire de manière critique pour ne pas tomber dans des processus « d’instrumentalisation » plus que d’autonomisation des femmes. C’est dans cette optique que l’on fera une analyse critique du cadre international dans lequel s’insèrent les Objectifs du Développement Durables et les processus d’empowerment qui y sont prévus ainsi que le rôle réel que ceux-ci peuvent avoir dans des contextes d’États fragiles en la (re)construction de sociétés plus justes, humaines et égalitaires.

Mme ANNE DELORME Association québécoise des organismes de coopération a expose sur :

Analyse Égalité Femmes Hommes des personnes déplacées et réfugiées, l’aide humanitaire et les ODD

Mme  JEANNINE RAOELIMIADANA de  Genre en Action, Madagascar son intervention s’est articulée autour de:

Égalité Femmes Hommes « une arme pour la paix dans les pays francophones »

Malgré les avancées observées dans quelques pays francophones sur l’application de la Résolution 1325, les femmes restent encore marginalisées dans le processus de paix.  Ce constat résulte du faible engagement des Etats dans la mise en œuvre de l’égalité femmes-hommes dans tous les domaines, et particulièrement dans le processus de paix et de sécurité. Les conséquences sont regrettables en ce qui concerne la justice sociale et le développement socio économique, et risquent d’entraver l’atteinte des objectifs de développement durable. La présentation explique en quoi l’égalité femmes – hommes peut constituer une arme efficace dans la prévention des conflits, les négociations de paix, ainsi que la reconstruction après un conflit. Elle met l’accent sur le fait que l’égalité femmes – hommes est  « une arme de non violence active » pour prévenir les conflits, « une arme de leadership transformationnel » pour promouvoir et maintenir la paix en s’attaquant aux causes profondes des inégalités de genre et des conflits suivant une approche participative, «une arme économique et financière » favorisant l’autonomisation des femmes et des filles, indispensable au maintien de la paix,  en décidant autrement dans l’affectation des fonds disponibles. Quelques défis à relever, dont la mobilisation de fonds pour financer l’autonomisation des femmes, sont mis en exergue. Et enfin, quelques recommandations sont avancées pour que l’égalité femmes- hommes soit une arme efficace au service de la paix. Elles sont relatives à la volonté des Etats à élaborer un plan d’action budgétisé et à en assurer le suivi —un plan d’action sur la mise en œuvre de la Résolution 1325 en cohérence avec les instruments internationaux et régionaux sur le genre, pour réaliser les objectifs de développement durable.

Mme KAFUI ADJAMAGBO-JOHNSON du Réseau « Femmes, Droits et Développement en Afrique » (WILDAF/FEDDAF), Togo a axé son intervention sur: 

Terrorisme, femmes, paix et sécurité : Questionnements sur la capacité des cadres en matière de paix et sécurité à protéger et prendre en compte les besoins des femmes

La montée du terrorisme est l’un des sujets de préoccupations majeures de l’heure. Le terrorisme, définit à juste titre par un auteur comme « une activité de paix en temps de guerre » frappe de manière aveugle et tue en masse les populations, n’épargnant aucun continent ni aucune composante des populations. Ces activités terroristes constituent une véritable menace pour la paix. Il n’est donc pas étonnant que la lutte contre le phénomène soit une priorité au sein de la communauté internationale. Il se pose à cet effet un problème de cadre normatif devant régir la lutte contre le terrorisme dont les activités ne peuvent être qualifiées de guerre au sens de la guerre classique qui est régie par des normes précises. Les analystes s’interrogent sur l’aptitude du cadre normatif interne aux pays et du droit international à permettre une lutte efficace contre le terrorisme.

Au regard de l’impact spécifique du terrorisme sur les femmes et les filles, ne sommes nous pas fondées en tant que femmes de la société civile à questionner également l’aptitude du cadre normatif dans le domaine des femmes, de la paix et de la sécurité à protéger les femmes contre le terrorisme et à juguler l’impact négatif de ces activités ainsi que de son idéologie sur les femmes ?

C’est la réflexion que se propose d’engager la présente communication qui s’articule autour de deux points, l’impact du terrorisme sur les femmes et les filles et la nécessité d’adapter le cadre normatif qui régit la problématique femmes, paix et sécurité à la lumière de la résurgence et de la recrudescence du terrorisme.

  1. IMPACT DU TERRORISME SUR LES FEMMES ET LES FILLES
  • Le terrorisme une menace pour les droits des femmes

Les femmes et les filles constituent une cible privilégiée des actes terroristes. Elles sont enlevées, violées et forcées à épouser des combattants, ou égorgées lorsqu’elles refusent de s’exécuter. Selon Amnesty International, au moins 2 000 femmes et jeunes filles ont été enlevées par Boko Haram depuis le début de l’année 2014 et nombre d’entre elles ont été réduites en esclavage sexuel et formées au combat, a déclaré Amnesty International à l’occasion du premier anniversaire de l’enlèvement des écolières de Chibok.

 Le cas emblématique de ces exactions est celui de l’enlèvement en avril 2014, des filles de Chibok au Nigéria, qui n’ont à ce jour pas encore été libérées. Le terrorisme provoque le déplacement des populations qui fuient leurs localités et se retrouvent dans des camps de déplacés : il se pose le problème de la prise en compte des besoins spécifiques des femmes et des filles dans ces camps de déplacées où elles sont par ailleurs exposées à la violence sexuelle ainsi qu’à des attaques des terroristes qui égorgent les hommes et emmènent les femmes et les filles dans leurs camps.

L’idéologie véhiculée par ces fondamentalistes porte en elle un dénie des droits des femmes. Les terroristes portent une vision du rôle de la femme dans la société inacceptable parce que incompatible avec l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Dans les localités qui sont sous leur contrôle ils instaurent un ordre qui remet en cause les acquis de plusieurs décennies de lutte : les femmes n’ont pas droit à l’éducation, elles doivent soumission aux hommes, doivent se couvrir dans leur habillement, sont astreintes à des tâches traditionnellement réservées aux femmes…

  • Les femmes et les filles actrices consentantes des actes de terrorisme.

Le phénomène de femmes terroristes à exister et des exemples sont relevées par des auteurs déjà dans les années 1960. Mais il y a une résurgence du phénomène qui s’explique par le fait que les femmes sont de plus en plus forcées par les terroristes à combattre. C’est ce qui ressort du témoignage d’Aisha unes des victimes de BOKO Haram, recueilli par Amnesty International : « Ils apprenaient aux filles à tirer. Je faisais partie de celles qui étaient formées au tir. J’ai également été entraînée à utiliser des bombes et à attaquer un village, a raconté Aisha à Amnesty International. Cet entraînement a duré trois semaines après notre arrivée. Ensuite, ils ont commencé à envoyer certaines d’entre nous sur le terrain. J’ai participé à une opération dans mon propre village. » Elles sont de plus en plus contraintes à porter des explosifs qui servent aux attentats dans plusieurs localités du Nigeria et du Cameroun, et en France où l’une d’elle s’est fait explosée afin d’éviter d’être arrêtée dans l’affaire des attentats du Bataclan. Même les petites filles de 10 à 12 ans ne sont pas épargnées de ce traitement. Le recrutement de jeunes filles dans les sociétés occidentales pour aller combattre avec DAECH en Syrie participe aussi de la même logique.

  1. DE LA NÉCESSITE DE METTRE EN PLACE DES OUTILS PRENANT EN COMPTE LES FEMMES ET LES FILLES DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET POUR LA PRÉSERVATION DE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ

Le terrorisme a sur les femmes et les filles des conséquences négatives inacceptables, et constitue véritablement une menace pour les droits chèrement acquis ainsi que pour la participation des femmes au développement durable. Il est urgent d’engager la réflexion sur l’adéquation des outils disponibles en matière de paix et de sécurité à y faire face. La résolution 1325 des Nations Unies ainsi que d’autres résolutions insistant sur des aspects spécifiques déjà évoqués dans la résolution mère, notamment la protection contre les violences faites aux femmes et aux filles, la participation des femmes aux missions de paix et aux instances de reconstruction post conflit, la prise en compte de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes dans les programmes. Les Etats parties aux conflits et les missions des Nations unies sont comptables des exigences de ce cadre normatif et peuvent être interpellés en cas de non respect, les auteurs de violence sexuelle pouvant même être jugés pour crime de guerre.

Si ces dispositions sont applicables dans des situations de conflit classique, elles ne semblent pas adaptées à la guerre du terrorisme. Les terroristes qui ne se sentent pas liées par ces règles, ne sont pas des Etats identifiables, souhaitent  mourir pour leur idéologie et s’arrangent dans tous les cas pour ne pas être pris vivants et ne pas devoir rendre compte de leurs actes.

Dans ces circonstances se posent les questions suivantes :

  • Par quels mécanismes renforcer et venir en appui aux femmes et aux filles, cibles potentielles de recrutement de terroristes ?
  • Quel dispositif mettre en place pour renforcer et protéger les défenseurs des droits des femmes dans les localités conquises par les terroristes ?
  • Comment assurer la participation des femmes, notamment celles de la société civile aux instances de lutte contre le terrorisme  pour une meilleure prise en compte des besoins et intérêts des femmes et des filles ?

 Une réflexion menée en marge de la 57ème Session ordinaire de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, en novembre 2015 recommande d’ « impliquer les femmes dans les efforts de lutte contre le terrorisme et promouvoir les droits des femmes est essentiel pour effectivement combattre les situations favorables à la propagation du terrorisme. »

Si les principes de représentation des femmes à tous les niveaux de prise de décision , de protection et de respect des droits fondamentaux des femmes et des filles et d’interdiction de violence sexuelle comme arme de guerre, de prise en compte de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes sont adaptées aux situations de conflit en général, ils restent un vieux pieux dans le cadre du terrorisme parce que pratiquement irréalistes. La réflexion à mener doit déboucher sur des stratégies idoines plus efficaces permettant entre autres de sécuriser et protéger les femmes dans les camps de déplacés, de renforcer et protéger également les défenseurs de droit des femmes et d’assurer la participation des femmes aux instances de décisions dans la lutte contre le terrorisme et la gestion des problèmes humanitaires qu’il engendre.

 Il s’agit d’un panel organisé par le Rapporteur Spécial sur les Prisons, les Conditions de détention et l’Action policière en Afrique, en collaboration avec l’Institut Danois des Droits de l’Homme (IDDH) et le Forum Africain pour le Contrôle Civil de l’Action Policière (APCOF) sur la lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l’homme par la Police : défis et perspectives.

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